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Monthly Macro Insights | Septembre 2022

Stratégie  —  09/09/2022

Marc-Antoine Collard

Chef économiste – Directeur de la recherche macroéconomique

Les investisseurs avaient espéré que les mauvaises nouvelles macroéconomiques s’avéreraient être de bonnes nouvelles, car incitant les banques centrales à interrompre leur resserrement monétaire et limitant ainsi les risques d’une récession mondiale. Or, lors du symposium de Jackson Hole, les banquiers centraux ont envoyé un message sans équivoque sur la nécessité de juguler l'inflation, soulignant avec force que le rétablissement de la stabilité des prix passerait par le maintien d'une politique monétaire restrictive pendant un certain temps.

 

La confiance des entreprises continue de se détériorer...

Dans le secteur manufacturier, l'indice S&P Global portant sur la confiance des entreprises est tombé à 50,3(1) en août, soit son niveau le plus bas depuis plus de deux ans. La sous-composante de la production a franchi le seuil des 50(1), synonyme d’une contraction de la production industrielle mondiale au début du second semestre 2022. Le ratio des commandes/inventaires est tombé à son plus bas niveau hors récession des vingt-cinq dernières années, indiquant un renforcement des capacités excédentaires. La confiance des entreprises du secteur des services a quant à elle chuté à 49,2(1) en août, signalant une contraction de l’activité pour la première fois depuis juin 2020.


Dans l'ensemble, l'indice composite global a fléchi à 49,3(1), un niveau rarement atteint hors périodes de récession mondiale, la baisse de la sous-composante des nouvelles commandes étant particulièrement inquiétante, preuve que l’inflation record couplée au resserrement monétaire pèsent lourdement sur la demande mondiale. Du côté positif, les pressions sur les chaînes d'approvisionnement semblent s'atténuer, comme le suggèrent l’amélioration de la sous-composante des délais de livraison, mais également la diminution des coûts de transport à l'échelle mondiale et la chute des prix des importations hors carburant aux États-Unis. À ce titre, un ralentissement important de l'inflation mondiale des prix des biens en dehors de l'Europe semble probable.

 

 

Source: Macrobond, Rothschild & Co Asset management Europe, Septembre 2022

 

 

... tandis que les divergences régionales s'accentuent

 

Bien que le PIB américain ait chuté au premier et au deuxième trimestre 2022, confirmant une nette perte de vitesse, le rapport sur l'emploi du mois d'août a maintenu l'espoir qu'un atterrissage en douceur restait possible, le marché du travail ayant créé 315 000 emplois(1). Le taux de chômage a surpris à la hausse, passant de 3,5 % à 3,7 %, grâce à une progression encourageante de 62,1 % à 62,4 % du taux d’activité(2). D’ailleurs, divers indicateurs suggèrent que le déséquilibre entre l'offre et la demande de travail s'est réduit en août. Toutefois, ces timides signes d’amélioration sont loin d'être suffisant pour convaincre la Fed d’une réduction durable des tensions sur le marché du travail.

 En Chine, les enquêtes menées auprès des entreprises indiquent que le rebond post-confinement s’essouffle plus vite et plus fort que prévu alors que l'économie fait face à plusieurs vents contraires : menace continue d’une reprise épidémique et de nouveaux confinements dans le cadre de la politique Zéro-Covid, sécheresse historique contraignant la production des centrales hydroélectriques, et un marché immobilier mal orienté. Les responsables politiques ont réagi par des baisses de taux d’intérêt et une nouvelle série de mesures de relance soutenant les projets d'infrastructure du gouvernement central, les émissions obligataires des gouvernements locaux et des investissements dans le secteur de l’énergie afin de stabiliser la distribution d’électricité. Cela étant, ces annonces pourraient se révéler insuffisantes pour empêcher la poursuite du ralentissement de l’activité économique.

 Par ailleurs, les livraisons de gaz russe via Nord Stream ont été interrompues pour des opérations de maintenance à la fin du mois d'août et le distributeur public Gazprom a annoncé que le gazoduc serait mis indéfiniment à l’arrêt, aggravant encore davantage la crise énergétique en Europe. En conséquence, la confiance des entreprises a de nouveau chuté en août, l'indice S&P Global (48,9)(3) poursuivant sa baisse sous le seuil de 50(1) en Zone euro. L'Union européenne s’est préparée au risque d'une coupure totale de gaz russe en remplissant ses réserves, en diversifiant ses approvisionnements à l’image du gaz naturel liquéfié américain et en restreignant la demande. Certains États membres souhaitent également découpler les prix de gros du gaz et de l'électricité. Toutefois, les risques de pénuries et de rationnement se sont alourdis et pèsent fortement sur les perspectives économiques de la Zone euro.

 

Les investisseurs n'anticipent toujours pas de récession mondiale

Historiquement, les chocs frappant l’économie américaine ont eu de puissantes répercussions à l'échelle mondiale, tandis que les crises survenues en Europe ou en Asie sont surtout restées régionales. À cet égard, les évolutions récentes ont rassuré les investisseurs, en remplaçant le risque d’une récession mondiale par celui d’une possible phase de divergence entre les économies, semblable à la crise souveraine de la Zone euro (2011-12).

 

 

Source: Macrobond, Rothschild & Co Asset Management Europe, Septembre 2022

 

 

Pour autant, l'incertitude relative aux implications du choc énergétique et des politiques monétaires sur la croissance économique demeure très élevée. La Banque d'Angleterre entrevoit par exemple une récession au Royaume-Uni à partir du quatrième trimestre 2022, causée par l’effondrement du revenu réel disponible et une contraction de la consommation dans un contexte d'inflation et de taux d'intérêt plus élevés. Or, si les investisseurs s'attendent à ce que l'économie britannique traverse en effet une période difficile, ils restent toutefois sensiblement moins pessimistes quant aux perspectives économiques du pays.

La BCE se retrouve quant à elle face à un dilemme de taille. D’un côté, la crise énergétique a assombri les perspectives de croissance, ce qui plaiderait plutôt en faveur d’une orientation prudente de la politique monétaire. Toutefois, l'inflation dans la Zone euro a atteint un niveau record de 9,1 % en août d’après les estimations préliminaires, tandis que l’inflation sous-jacente a crû de 0,3 point de pourcentage en s’inscrivant à 4,3 %.(4) En outre, une répercussion plus importante des prix du gaz et de l'électricité semble probable, ce qui pourrait propulser l'inflation au-delà des 10 % avant la fin de l'année, accentuant ainsi la pression pour un resserrement de la politique monétaire afin d’éviter un désancrage des anticipations d’inflation.

Aux États-Unis, la Fed a réaffirmé son engagement à remonter son taux directeur afin de mieux équilibrer l'offre et la demande et ainsi maîtriser les pressions inflationnistes. Son président Jerome Powell a douché l’espoir des investisseurs d’une baisse des taux d’intérêt dès l'an prochain, soulignant plutôt que la lutte contre l'inflation nécessitera probablement le maintien d'une position restrictive dans le temps, un échec dans le rétablissement de la stabilité des prix s’avérant bien plus douloureux. Dans ce contexte, le dollar poursuit son ascension en retrouvant un point le plus haut depuis 24 et 37 ans contre le yen et la livre sterling respectivement, tandis que l'euro est passé sous la parité pour la première fois depuis 2002. Bien que l'impact désinflationniste de la flambée du dollar soit tout à fait le bienvenu aux États-Unis, sa force est également le reflet de la grande fragilité des autres pays.

 

 

Achevé de rédiger le 8 septembre 2022

Source: Macrobond, Rothschild & Co Asset Management Europe, Septembre 2022
 
 
 
 
 

 Performances des indices et niveaux d'intérêt

 
 
 
(1) Source: S&P Global, Août 2022
(2) Source: US BLS, Août 2022
(3) Source: S&P Global, Août 2022
(4) Source: Eurostat, Août 2022