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Monthly Macro Insight — Mai 2023

Stratégie  —  05/05/2023

Marc-Antoine Collard

Chef économiste – Directeur de la recherche macroéconomique

Le PIB mondial a surpris par sa vigueur en début d’année, une dynamique toutefois soutenue en grande partie par la Chine. Par ailleurs, les banques centrales ont poursuivi leur campagne de resserrement dans un contexte de croissance salariale obstinément ferme et d'inflation sous-jacente persistante. S’entêteront-elles jusqu'à atteindre un point de rupture ?

Une dynamique de croissance inégalement répartie...

Les autorités chinoises ayant abandonné leur politique “zéro Covid” en fin d’année dernière, le PIB a nettement accéléré au premier trimestre 2023, à +2,2 % en glissement trimestriel, après une progression de +0,6 % au quatrième trimestre 2022, soutenu principalement par le fort rebond de la consommation des ménages(1). Les dépenses dans les services – en particulier dans les loisirs et voyages – devraient rester dynamiques. En revanche, les incertitudes demeurent élevées pour d'autres catégories, les indicateurs récents ayant fourni des signaux contradictoires quant à la reprise. La confiance des entreprises a chuté en avril, en particulier dans le secteur manufacturier (49,2), l'indice tombant en territoire de contraction pour la première fois cette année(1). Signe de l'atonie de la demande intérieure, l'inflation a été faible en mars, tandis que le taux de chômage est resté élevé, à 5,3 %(1). Par conséquent, les investisseurs sont divisés quant à la nécessité pour les autorités de mettre en place davantage de mesures de relance afin de stimuler la croissance.

À l’inverse de la Chine, la croissance économique aux États-Unis s’est révélée décevante, le PIB n'ayant progressé que de 0,3 % en glissement trimestriel (ou 1,1 % en glissement annualisé)(2), soit un rythme deux fois plus faible comparativement au trimestre précédent et en-dessous des attentes des investisseurs. Toutefois, les détails sont difficiles à lire. D’un point de vue positif, on remarque que la déception provient en grande partie d'un ralentissement brutal des investissements en stocks, un phénomène qui ne devrait être amené à se répéter au cours des prochains trimestres. En outre, les ventes finales privées ont rebondi grâce à la bonne tenue de la consommation des ménages. Toutefois, l'investissement des entreprises est resté faible et la quasi-totalité du rebond de la consommation peut être presque exclusivement attribuée à la dynamique du seul mois de janvier.

En Zone euro, l’estimation préliminaire du PIB a montré une légère progression de la croissance économique au premier trimestre 2023 à +0,1% en glissement trimestrielle, après une contraction de -0,1 % au quatrième trimestre 2022(3). Malgré le peu de détails, cette légère hausse semble avoir été davantage alimentée par les exportations nettes que par la demande intérieure, la baisse de l'inflation totale n'ayant pas encore été assez forte pour relancer les dépenses de consommation en début d'année.

Malgré les récentes tensions bancaires, les investisseurs restent optimistes quant aux perspectives, à l’image de la nouvelle hausse de l'indice S&P Global de confiance des entreprises en avril qui atteint un sommet en près d’un an. Cette donnée suggère que l'activité économique de la Zone euro a pris de l'élan au début du deuxième trimestre. Cela étant, la reprise a été très inégalement répartie. D'une part, la confiance des entreprises s'est améliorée dans le secteur des services, le sous-indice de l'emploi ayant touché son plus haut niveau depuis juillet 2007. D’ailleurs, le taux de chômage de la Zone euro a atteint 6,5% en mars(3), un nouveau record depuis l’avènement de l’euro. De plus, malgré une certaine détente, les sous-indices des prix restent élevés par rapport aux normes historiques, en particulier dans le secteur des services. De quoi alimenter les inquiétudes concernant l’évolution de l’inflation. En revanche, la confiance dans le secteur manufacturier s'est enfoncée en territoire de contraction et atteint son niveau le plus bas depuis le choc pandémique du début 2020.

... alors que les pressions inflationnistes restent élevées

L'inflation mondiale est en baisse depuis le milieu de l'année 2022, en raison de la chute des prix des produits de base, en particulier de l'énergie. En outre, pour freiner la demande et réduire l'inflation sous-jacente, la grande majorité des banques centrales dans le monde ont relevé leurs taux d'intérêt depuis 2021 et ce, à un rythme plus rapide et de manière plus synchronisée que lors du précédent épisode de resserrement monétaire mondial, survenu juste avant la crise financière mondiale de 2008. Pour autant, la robustesse de l’inflation sous-jacente reste plus durable que prévu.

En effet, même si les délais de transmission de la politique monétaire sont à la fois longs et variables, plusieurs facteurs ont contribué à la persistance des pressions sur les prix. L’effet stimulant de la réouverture de la Chine, combiné à un hiver plus doux, soutenant ainsi le secteur de la construction et permettant d’atténuer la crise énergétique en Europe, ont contrarié les efforts des banques centrales pour ralentir l'économie. De plus, plusieurs gouvernements, notamment en Europe, ont agi rapidement pour soutenir les ménages et les entreprises face aux effets négatifs de la guerre en Ukraine. Ce soutien budgétaire a stimulé l’activité et ainsi compromis les effets du resserrement monétaire.

De plus, la dernière enquête de confiance des entreprises montre que celles issues du secteur des services ont fait état d'une amélioration, bénéficiant d'un transfert des dépenses des ménages vers les services au détriment des biens. Dans ce contexte, la résurgence de la demande de services ravive les pressions inflationnistes.

Parallèlement, les marchés de l’emploi restent tendus dans la plupart des pays, en lien avec la robustesse de la demande de travail, mais aussi en raison d'une lente reprise de l'offre après la pandémie avec, en particulier, un plus faible taux de participation des travailleurs plus âgés. Par conséquent, les pressions salariales restent non seulement élevées dans la plupart des économies avancées, mais certaines mesures montrent des signes de réaccélération.

En conséquence, les banques centrales se voient contraintes de maintenir un ton ferme quant à la nécessité d'une politique monétaire restrictive, signalant ainsi que les taux d'intérêt resteront plus élevés et pendant plus longtemps qu’initialement prévu afin de faire face à des pressions persistantes sur les prix.

En somme, même si les effets du resserrement monétaire se font attendre, la question de la résilience du cycle économique reste entière, d’autant plus que de nouveaux vents contraires en provenance du secteur bancaire se sont révélés. Ainsi, les banques centrales pourraient être amenées à provoquer un ralentissement significatif du marché du travail afin de contenir les pressions sur les prix. Un ajustement susceptible de se produire dans un environnement où l'activité économique décélère de manière beaucoup plus soutenue que ce que l’on observe jusqu’à présent. Or, comme nous l'avons souligné le mois dernier, il y a peu de raisons de penser que la politique monétaire est devenue inopérante et, bien que les délais se soient vraisemblablement allongés, certains investisseurs pourraient être pris de court lorsque l'impact du resserrement commencera à se faire pleinement sentir. D’ailleurs, les dernières enquêtes portant sur la distribution du crédit ont montré que la demande a fortement faibli dans un contexte de resserrement des conditions d’accès au crédit, ce qui est susceptible de se diffuser à l'activité économique, peser sur l'embauche et, ultimement, l'inflation.

Achevé de rédiger le 4 mai 2023 

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(1) Source : National Bureau of Statistics of China, mai 2023.
(2)Source : U.S. Bureau of Economic Analysis, mai 2023.
(3) Source : Eurostats, mai 2023.